vendredi 20 février 2009

Confession d'une classe de danse




La première fois que j’ai assisté à un spectacle de danse, c’était une chorégraphie de la vie de Antonieta Rivas Mercado au Centre cultural del Bosque, au milieu de « l’archipel de chapultepec » (zone réunissant plusieurs salles de concerts et de théâtre à deux pas du palais présidentiel, Mexico City). Ce jour là, j’avais 5 ou 6 ans et je me rappelle avec une parfaite clarté 2 images qui me surprirent beaucoup : d’un côté un élément énorme du décor représentant une sorte de « Notre Dame » abstraite qui descendait du ciel sur la scène du théâtre et de l’autre un danseur qui s’élevait dans les aires en agitant ses jambes pareil aux ailes d’un colibri. Aujourd’hui je sais que ça s’appelle un « cabriolé » mais à l’époque mon regard ingénu sur la scène me laissait croire que l’homme volait du battement de ses jambes… à la sortie du théâtre, je sautai et sautai dans la rue dans l’unique espoir de reproduire le vol de cet Icare. Jamais je n’ai pensé qu’un jour j’allais moi aussi mettre à mes bottes les ailes de Mercure et voler comme un colibri. Le premier jour de classe à l’Ecole Nationale de Danse Classique et Contemporaine fût un jour sombre, pluvieux, sans grand espoir pour les superstitieux. Août est chaud dans les rues mais dans les couloirs de cristal de mon école, on peut sentir le frisson que procure de traverser un miroir. Il faut dire qu’entrer dans « la licuadora » [Surnom du bâtiment de l’ENDCC qui a la forme d’un mixeur-shaker], c’est pénétrer dans le plus obscure de son reflet, abandonnant derrière soi la pensée, l’âme, les tripes, le cœur et le souffle à la trituration de cette machine immense à produire des danseurs. C’est intéressant d’observer que nos murs sont de verre ; c’est cette même transparence qui fait que chacun d’entre nous, durant chaque classe, chaque jour abandonne les poids et les déguisements qu’il porte jusqu’à trouver le seuil exact de nudité où il est alors possible d’assumer avec dignité et sincérité la scène. Cinq ans après ma première classe à l’Ecole Nationale de Danse Classique et Contemporaine, je m’aperçois que la danse est une « dame » (si elle a un sexe, c’est une femme…) jalouse, arrogante, fatigante, intrigante, cruelle et parfois violente. Mais c’est aussi un enchantement qui compense bien avec le reste : c’est une douce amante, sublime dans la manière qu’elle nous élève dans les aires pour ensuite nous tirer vers le linoleum sur un spasme de swing.

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